La sidération me prend lorsque je m’informe.
Depuis environ 4 ans, (au moment de l’élection de Donald Trump), puis ensuite tout au long de ma « véritable » prise de conscience écologique grâce aux lectures entre autres, des travaux de Pablo Servigne*, Cyril Dion*, Aurélien Barrau*, Jem Bendell* et autres auteurs de l’écologie profonde et radicale, je reste sans voix devant les faits, devant la vérité.
Dans un premier temps, cette sidération me coupe l’élan vers l’action, comme un coup de poing dans le ventre coupe le souffle. Face à l’immensité de la catastrophe écologique déjà avérée, (donc factuelle, c’est déjà fait, c’est du passé), je ne peux que stopper mon élan.
Il n’est pas mon propos ici de citer des chiffres et des statistiques, mais simplement de parler des émotions que je ressens, et que beaucoup d’entre nous, je crois, ressentent.
Devant le constat, je perds le souffle, je ne peux plus respirer. Comme Georges Floyd sous le genou du policier qui l’a tué, ou comme le patient atteint d’une forme grave de Covid19 intubé sous respirateur, je perds le souffle, je perds la vie, la Prana.
La sidération est une émotion de réaction au danger. Elle fait partie de nos comportements réflexes devant une agression : se battre, fuir, se cacher, et rester immobile. Comme la biche dans les phares de la voiture, je stoppe. Je reste sans bouger, je regarde sans croire ce que je vois, tout en le croyant : 68% des populations de vertébrés, poissons, oiseaux, amphibiens et reptiles ont disparu en 50 ans. Le réchauffement climatique s’emballe et la planète peut vite devenir une étuve invivable. Des feux de forêt géants incontrôlables brûlent les forêts du globe : l’Amazonie, l’Australie, la Sibérie, la Californie deviennent des infernos. Un continent de plastique trois fois plus grand que la France flotte et s’agrandit au milieu du pacifique. Chaque année il y a 7 millions de morts de la pollution dans le monde, le Corona virus paralyse la planète depuis 6 mois et enclenche une crise économique mondiale.. etc.. Les nouvelles défilent sans fin, et toutes plus graves les unes que les autres.
Ma « Douce Biche » intérieure se fige devant ces phares éblouissants, elle reste en suspens devant ce qui peut la tuer, et elle regarde fascinée cette lumière aveuglante qui la menace : la réalité des faits.
Autour d’elle, d’autres voix intérieures me disent, « Allez, file sauve-toi, va te cacher dans la forêt, protège-toi ! ». Ou encore « Bats-toi, il y a encore des milliers de choses à faire pour retarder l’échéance, pour sauver ce qui peut encore être sauvé. Chevauche la pulsion de vie, agis ! » ou encore « C’est trop tard, laisse-faire, à quoi bon, il est trop tard, profite de ce qui te reste encore… »
En Voice Dialogue nous prenons le temps d’écouter et d’honorer chaque Voix Intérieure, chaque Personnage Intérieur. Mais la voix de ma biche prise dans les phares ne dit rien. Elle reste muette, fascinée par la morbidité de ce danger planétaire. Elle n’a pas de mots. Elle ressent simplement un stop, un arrêt sur image, comme dans les films lorsqu’avant sa chute de la falaise filmée au ralenti, l’image soudain s’arrête sur le visage de celui qui va mourir.
Morituri te salutant. « Ceux qui vont mourir te saluent » disaient les gladiateurs à César en entrant dans l’Arène.
Je prends conscience que je vais mourir. Que nous allons tous mourir un jour. Quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse.. c’est la condition même de la vie. C’est ce qui la rend belle, incroyable et précieuse. Parce-qu’elle n’est que passagère.
Alors, seulement, après cette prise de conscience ultime, le flot de la vie revient en moi, et je reprends mon souffle, je repars vers l’action, vers la joie, et vers l’espoir. Il me reste encore bien des choses à faire, et à dire. Il est encore temps. Il sera toujours encore temps de sauver ce qui peut être sauvé, de changer ce qui peut être encore changé. On ne sait pas ce qui va arriver.
On ne connait que le passé et le présent. Le futur est toujours incertain.
Alors je repars dans l’action. Je le fais pour les autres, pour mon fils et pour mes futurs petits-enfants si j’en ai un jour, pour tous ceux que j’aime, mais je le fais aussi pour moi, pour me sentir toujours vivante.
Emmanuelle Chaulet anime des ateliers d’ECO VOICE DIALOGUE et des CERCLES DE PAROLE à HENDAYE au Pays BASQUE.
l’ECO VOICE DIALOGUE est une application du Voice Dialogue aux problématiques émotionnelles liées à l’écologie, à la destruction de la planète, et au changement climatique.
Pour plus d’information sur l’ECO VOICE DIALOGUE : cliquer ici.
© Emmanuelle Chaulet
1 Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne et Raphaël Stevens, (2015)
2 Demain (2016) et Petit manuel de résistance contemporaine, Cyril Dion (2018)
3 Le plus grand défi de l’histoire de l’Humanité, Aurélien Barrau (2020)
4 Adaptation Radicale, Jem Bendell (2019)
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